2023, l’année de la revanche pour les obligations convertibles ?

Presse 02.06.2023
Analyse marché

Entretien de Philippe Garnier, Gérant senior convertibles chez LBP AM, pour Option Finance

Les obligations ont retrouvé du rendement et les marchés actions ont bien performé depuis le début d’année. Dans cet environnement, comment évolue la classe d’actifs ?

Avec la remontée des rendements, la classe d'actifs a retrouvé tout son ADN : la convexité. C’est l’une de ses caractéristiques : un parachute qui permet, lorsque les marchés actions sont défavorables, d’amortir la chute car l’obligation convertible va se rapprocher de son plancher obligataire. Il ne faut pas oublier que la convertible est un produit hybride. Quand le marché est plutôt orienté à la hausse, nous utilisons l'option qui est dans la convertible : la sensibilité du produit va, au fur et à mesure que l'action monte, s'accroître et donc vous faire bénéficier selon nous de plus de performance. C’est un produit assez unique. Malheureusement, en 2022, la classe d’actifs était dans un contexte extrêmement adverse, les vents étaient tous contraires : des taux négatifs, des crédits qui se détérioraient et des marchés en baisse. 2023 se présente sous de meilleures perspectives.

Quelles sont les principales caractéristiques du gisement des convertibles ? Après avoir souffert de la rotation de style croissance versus value en 2022, la classe d’actifs pourrait-elle bénéficier d’une rotation plus favorable cette année ?

Il y a deux changements majeurs par rapport à 2022. Nous étions dans un contexte de taux zéro avec des sociétés s’endettant à faibles coûts pour financer leur développement tous azimuts. Les émetteurs étaient le plus souvent de faible qualité avec des business plan à faible visibilité comme la livraison à domicile. Les accompagner relevait d’un pari risqué. Aujourd'hui avec la hausse des rendements (taux et crédit), nous évoluons dans un univers plus favorable que l’on peut qualifier de « gagnant-gagnant ». En effet, en tant qu’investisseurs, nous bénéficions à nouveau d’une part du portage et d’autre part nous retrouvons un univers d’émetteurs de qualités et diversifiés. Ces derniers profitaient des taux faibles pour se financer sur le marché obligataire à moindre coût. Aujourd’hui, la même société devrait émettre à 5 ou 6% alors qu’elle peut le faire à 2 % sur les convertibles. L’arbitrage tombe sous le sens. De son côté, elle profite d’un discount de 3 % et, pour nous, outre le rendement, c'est une chance car le gisement des émetteurs s’élargit à des sociétés plus intéressantes sur le plan industriel et avec des qualités de crédit bien meilleures.

Quelles sont les différences entre les gisements américain, européen et asiatique ?

Le marché américain reste le marché dominant au niveau mondial et satisfait l'appétit des investisseurs et des émetteurs. La liquidité y est abondante. Elle a permis le financement de nombreuses sociétés biotech et tech. Ce qui explique la richesse du gisement dans ces secteurs et maintient le leadership américain sur ces activités. La cybersécurité en est un bon exemple : On compte 4 ou 5 acteurs de qualité aux Etats-Unis, ce n’est pas le cas en Europe. L'Europe offre une meilleure diversification sectorielle, avec des profils de risques plus faibles, donc à meilleure visibilité sur le plan crédit. Les Etats-Unis permettent un accès sur des sociétés plus dynamiques, avec en contrepartie des profils de risque plus élevés.

La France, quant à elle, a eu un certain poids et avec une culture des dérivés assez forte, nous avons réussi à imposer des clauses dans les émissions qu'on ne retrouve pas toujours sur le marché américain. Les clauses de rachat en est un bon exemple : elles nous permettent de bénéficier en cas d'OPA d'une meilleure indexation. Elles sont assez courantes en Europe et peu fréquentes sur les autres marchés.

En plus des nouveaux profils de sociétés ou d’une meilleure qualité de crédit, avez-vous constaté des nouveautés sur le marché primaire ? Des émissions avec des caractéristiques particulières ?

En plus du retour du coupon que nous avons déjà évoqué, il n’y pas de changement majeur à part peut-être la mise en place d’une nouvelle clause liée aux dividendes (pour compenser d’éventuelles hausses ou baisses, soit en faveur de l’investisseur soit de l’émetteur). On commence également à voir apparaître des émissions « green » et des « sustainable bonds », c’est une tendance de fond qui nous intéresse particulièrement et qui répond à une demande des investisseurs.

Les critères ESG sont-ils facilement intégrables dans la gestion d’un fondsd’obligations convertibles ?

Chez LBP AM, l’investissement durable fait partie de notre ADN et nous avons beaucoup investi dans les équipes ISR puisque nous notons en interne l’ensemble des sociétés du gisement. L’univers étant assez restreint, cela peut être perçu comme une contrainte mais nous l’abordons différemment, comme une chance de donner du sens à nos investissements. A moyen/long terme, le bénéfice devrait être au rendez-vous car nous investissons dans des sociétés qui ont une vision durable et pérenne, ce qui implique à terme qu’elles auront, selon nous, une meilleure rentabilité.

Quels sont les principaux risques identifiés pour la classe d’actifs ?

Nous revenons finalement à des risques communs à toutes les classes d'actifs risqués qui ne sont donc pas spécifiques aux convertibles. Les risques identifiés sont de 3 ordres : 1) politique : la guerre en Ukraine ; et les tensions sino-américaines, 2) Macroéconomique : le ralentissement de l’économie américaine qui aurait une répercussion évidente sur l’économie mondiale 3) Microéconomique : un contexte récessif devrait mettre les sociétés sous pression (il leur sera difficile de répercuter l’inflation dans leur prix et les marges pourraient en souffrir); le refinancement car les banques prêtent moins et les taux sont plus élevés. Les banques pourraient également restreindre leurs prêts et donc mettre en difficulté les sociétés trop endettées.

J’ajouterai un dernier risque : celui de la liquidité. Les banquiers centraux ont enfin compris qu'ils devaient réduire la masse monétaire en circulation mais quand ils le font, cela crée des tensions pour la liquidité. L'enjeu est d’arriver à gérer le ralentissement de la liquidité sans qu'il y ait de situation de stress.

Faut-il avoir une approche régionale ou globale de la classe d’actifs ?

Les deux approches font sens. Il est intéressant d’investir en Europe qui offre une meilleure visibilité sur le plan économique et une meilleure diversification. C’est une zone majeure pour 2023. Un fonds global permet d’avoir un biais sur l’Europe tout en ayant une exposition au marché américain, le plus gros gisement mondial. C’est une zone plus dynamique, et également plus risquée. En diversification, nous avons identifié la Chine comme un vecteur d’investissement intéressant, ciblé sur la consommation pour profiter du redémarrage de leur économie post covid. Après cela dépend du profil des investisseurs, de leurs contraintes et objectifs.

Focus sur LBP AM ISR Convertibles Monde Part I

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