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En 2024, plusieurs facteurs stimulent la dette corporate, notamment le recul du secteur bancaire, la compétitivité des rendements face à des spreads maintenus et la reprise attendue des transactions. Matthieu Esposito, Directeur Investissements et Trésorerie à La Mutuelle Générale, apporte son expertise.
Plusieurs facteurs pourraient aller dans le sens de la dette corporate en 2024. Tout d’abord, le secteur bancaire qui va sans doute rester en retrait offrant ainsi une moindre concurrence et davantage d’opportunités pour la dette privée. Les banques font en effet face à de nombreux défis dans ce nouvel environnement de taux plus élevés : besoins de ratios de qualité, concurrence sur les dépôts… elles ont donc moins de marge de manœuvre pour financer les entreprises.
Un autre point important de cette analyse, serait de souligner l’attractivité de cette classe d’actifs d’un point de vue rendement/risque face à des spreads qui vont se maintenir et un environnement de taux d’intérêt qui devraient rester à un niveau élevé. Comparée à d’autres classes d’actifs, la dette corporate offre, selon nous, un rendement compétitif par rapport au risque associé qui reste mesuré notamment grâce à son encadrement juridique et ses covenants solides.
Enfin, après le ralentissement brutal ces deux dernières années du marché des M&A et plus particulièrement des opérations large cap, 2024 pourrait voir une dynamique de reprise des transactions tirée par le marché du mid-market. Après une année 2023 très attentiste les investisseurs de private equity vont devoir déployer leur « dry powder » (poudre sèche) qui reste significatif. Par ailleurs les cessions de leurs actifs devraient reprendre sous la pression de leurs LPs qui réclament des liquidités afin de retrouver leur rythme naturel de transactions.
Actuellement, nous sommes déjà beaucoup investis sur la dette privée avec une saturation de nos poches. Notre attention reste donc encore principalement tournée vers les marchés liquides. Toutefois, l'opportunité offerte par la dette corporate en 2024 en termes de risque/rendement comme je l’évoquais précédemment, ne dénature pas l’attractivité de cette classe d’actifs. Ainsi, nous ne nous interdirions pas d’ajuster éventuellement nos portefeuilles en faveur de la dette corporate si le marché devait repartir en 2024. Nous pourrions alors probablement bénéficier de remboursements nous permettant de retrouver un peu de marge de manœuvre.
Il est important de noter que nous n’investissons jamais directement dans la dette corporate. Nous préférons sélectionner des gérants spécialisés. L’élément clé dans cet environnement est d’avoir une convergence de vues avec l’équipe de gestion, en particulier en ce qui concerne les risques et les secteurs. Nous pensons en effet que l’année 2024 pourrait être tumultueuse en termes de coût du risque. Il est donc crucial d’avoir une bonne compréhension partagée avec les gérants sélectionnés. Ce que nous apprécions également chez un gérant, c’est sa flexibilité : être opportuniste, savoir évoluer et réagir correctement face aux difficultés sont des qualités essentielles. Nous privilégions également les équipes de gestion avec un track-record solide. La stabilité et l’expérience sont des facteurs clés. Ensuite sur les produits proprement dits, nous recherchons des fonds bien diversifiés en termes d’émetteurs et de secteurs. Et bien sûr, l’ESG qui est un facteur clé pour la valorisation future de l’entreprise. Avec le développement des ajustements des marges de crédit (« margin ratchet »), il est essentiel que les gérants prennent en compte les critères ESG. Les marges doivent être bien structurées, ambitieuses et matérielles.