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Christophe Murciani, responsable de la dette privée immobilière chez LBP AM, livre sa vision sur les tendances qui façonneront le marché de l’immobilier dans les mois à venir.
Le paysage du marché immobilier se transforme profondément, avec des évolutions notables dans les secteurs des bureaux, du commerce et de la logistique. La fin de la tertiarisation de l'économie se dessine, tandis que la stratégie value-add dynamise le marché. Des perspectives optimistes émergent pour le commerce et la logistique, mais le secteur du logement reste confronté à des défis majeurs nécessitant une réflexion stratégique.
Les bureaux seront encore soumis à un régime sec. Peut-être sommes-nous parvenus à la fin de la tertiarisation de l’économie, et de nombreux actifs n’ont plus d’utilité pour leur définition d’origine. Il faudra les convertir pour les commercialiser à nouveau, en logements, en résidences avec services (étudiants, jeunes actifs, seniors…) ou en commerces de proximité. Pendant quelques trimestres encore, les institutionnels et les collecteurs d’épargne resteront à l’écart. Les premiers parce qu’ils enregistrent une sur-allocation en immobilier (malgré le rallye obligataire sensible fin 2023 et la bonne tenue des actions) et aussi parce que cet immobilier est touché par la hausse des taux de capitalisation (ils ne vendront pas cette année). Les collecteurs, quant à eux, ont dû abaisser pour certains la valeur de leurs parts et doivent redoubler de pédagogie pour relancer la collecte, mais aussi parce qu’ils ont pris des engagements (réglementation SFDR) à n’investir qu’en actifs durables, alors que le parc des actifs de taille moyenne est vieillissant.
Ainsi, c’est le segment des tailles moyennes (30 millions d'euros à 100 millions d'euros de valeur d’actif) avec un profil de risque value-add (transition durable) qui devrait animer le marché en 2024. Ces opérations constituent le gisement des transactions devenues core à horizon 2026-2027, quand les institutionnels et les collecteurs d’épargne se positionneront à nouveau à l’achat, toujours à la recherche de biens de qualité. Ces rénovations contribueront à fabriquer les bureaux de demain.
La consommation des ménages, les événements internationaux organisés en France (salon du Bourget, Coupe du Monde de Rugby, Jeux Olympiques) ont soutenu et vont soutenir l’activité du commerce de détail. La percée du commerce en ligne, que l’on imaginait exponentielle au sortir des confinements successifs, est désormais sur une trajectoire rectiligne moins menaçante, les consommateurs se rendent davantage en point de vente et le ticket moyen augmente régulièrement (1,8% en 2023).
Nous pensons que les actifs de commerce profiteront de l’année 2024 et contribueront davantage aux transactions à l’investissement qu’en 2023. Les centres commerciaux ont réalisé de gros efforts d’attractivité pour devenir des lieux de loisirs : offre de restauration amplifiée, aires de jeux et multiplexes contribuent à enrichir l’expérience des « visiteurs ». On peut aussi envisager des stratégies de création de logements par surélévation sur des actifs qui se sont rapprochés des centres-villes du fait de l’étalement urbain.
Tout comme elle profite aux commerces, la consommation profitera aux actifs logistiques. Les stratégies de conversion de friches artisanales en périphérie des centres urbains pour produire des entrepôts du dernier kilomètre, avec à la clef une amélioration des performances environnementales, pourraient produire, selon nous, des rendements attractifs pour les promoteurs. La politique de ZAN (zéro artificialisation nette) soutiendra la valeur du foncier, et les loyers devraient continuer à augmenter.
Les propriétaires sont confrontés à un besoin d’investissement croissant pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement, et le retard s’est accumulé. Par ailleurs, la demande ne semble plus solvable, ni à l’achat, ni à la location. Une correction significative des prix nous apparaît comme la solution la plus pérenne. Cela supposerait d'arbitrer en faveur des occupants au détriment des épargnants. Pourquoi ne pas envisager par exemple des droits de mutation progressifs avec le nombre de logements détenus pour leur location, à l’image de ce que l’on fait pour la consommation d’eau ? Ainsi les bailleurs hésiteraient à investir dans 5 ou 6 biens… et la pression sur les prix pourrait refluer.