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La Zone Euro aura finalement connu une récession « technique » au tournant de l’année, avec une contraction du PIB au 4T22 ainsi qu’au 1T23. En effet, après la forte révision de la croissance allemande au 1T23, qui est passé à -0,3%, la croissance du PIB de l’ensemble de la Zone Euro a été révisée aussi à la baisse à -0,1%, soit une contraction de même ampleur qu’au 4T22. Pourquoi on parle de récession technique ? C’est simplement que, bien que le PIB a baissé, d’autres variables qui caractérisent une récession, notamment la montée du taux de chômage, sont très loin des niveaux de récession. Au contraire, le taux de chômage de la zone a été au cours des deux derniers trimestres écoulés proche des plus bas historiques.
Néanmoins, cette baisse du PIB aura un impact direct sur la croissance de 2023, avec un fort effet de base négatif. Donc, mécaniquement, vu la trajectoire que nous avons pour l’économie européenne, et que nous n’avons pas changé, on a abaissé légèrement la croissance moyenne pour 2023 et augmenté aussi légèrement celle de 2024. Mais les deux restent assez en dessous de 1%, soit bien moins que le potentiel de croissance de la zone.
Au regard des dynamiques sous-jacentes expliquant la croissance du PIB, on voit que le commerce extérieur est resté un des moteurs de la croissance, alors que la demande interne a fléchi, notamment avec des dépenses des gouvernements en retrait. La bonne nouvelle, si on peut dire, est que l’investissement a apporté une légère contribution positive ce qui encore une fois reflète que la dynamique de croissance n’avait pas la caractéristique classique d’une récession. En revanche, à la différence des Etats-Unis, la consommation des ménages a de nouveau contribué négativement à la croissance, même si moins qu’au 4T22. Le sursaut du secteur des services, comme l’indiquent les PMI, semble bien confirmer que la consommation s’est redressée, notamment aidée par une amélioration du pouvoir d’achat apportée par la baisse des prix de l’énergie.
Fig. 1 Zone Euro : Une récession « technique » au tournant de l’année, avec deux trimestres consécutifs de contraction du PIB.
Néanmoins, nous tablons toujours sur une croissance du PIB faible, mais positive, pour les trimestres à venir, reflétant le maintien de conditions monétaires restrictives et la perte de soutien du côté des finances publiques. Dans le débat sur la poursuite ou pas du resserrement monétaire, soit celui de savoir si les politiques monétaires sont suffisamment restrictives pour venir à bout de la poussée de l’inflation, la Banque du Canada (BoC) a montré que la lecture de la conjoncture restait difficile. En effet, la BoC a décidé d’interrompre sa période de pause, qui durait depuis la dernière hausse de taux directeur du mois de janvier, pour le remonter de 0,25pb, à 4, 75%.
Comme dans la plupart des pays, l’inflation totale au Canada a bien dépassé son pic, et décéléré. Cette décélération a été en grande partie tirée par la baisse des prix des matières premières et de l’énergie en particulier.
Néanmoins, l’inflation sous-jacente, comme c’est le cas ailleurs, fait de la résistance et descend bien moins rapidement que prévu. En grande partie, c’est sur les prix dans le secteur du logement que manifestement la demande reste trop forte, et donc continue de pousser à la hausse les prix des loyers notamment.
Fig. 2 Canada: L’inflation sous-jacente baisse trop lentement, avec notamment du fait d’une demande plus résiliente que prévue.
Ces tensions et la viscosité de l’inflation sont bien visibles sur les indicateurs sous-jacents de l’inflation et dans leur dynamique récente. Ainsi, au cours des derniers mois, la banque du Canada a constaté que l’inflation sous-jacente ne baisse plus comme attendu, et que les variations de court terme sont même allées dans la mauvaise direction. Ainsi, l’inflation cœur (hors énergie et aliments) ou l’indice corrigé des valeurs extrêmes (c’est-à-dire en excluant les prix que baissent ou montent le plus) sont même repartis à la hausse.
Fig.3 Canada: La dynamique haussière de court terme de l’inflation a fait basculer la position des banquiers centraux vers le besoin de plus de resserrement monétaire
Au total, ce changement de cap de la BoC, tout comme l’a fait la banque d’Australie, en surprenant le marché, montre bien la difficulté des banques centrales à bien projeter l’évolution de l’inflation, et surtout à déterminer quel est le niveau adéquat que doivent atteindre les taux directeurs afin d’avoir une politique suffisamment restrictive pour réussir à faire converger l’inflation vers la cible des banques centrales.
La Fed comme la BCE sont dans le même dilemme.
Alors que le dernier rapport emploi pour le mois de mai aux Etats-Unis a été plus favorable qu’attendu, les derniers chiffres sur les demandes d’indemnisation chômage ont surpris fortement à la hausse. En effet, avec 261 mille demandes hebdomadaires d’indemnisation chômage la semaine dernière, on atteint le chiffre le plus important depuis octobre 2021.
Comme nous le savons tous, un seul chiffre ne donne pas une tendance. Surtout que ces dernières semaines, on constatait plutôt une tendance baissière du cumul total des indemnisations chômage existantes.
Fig. 4 Etats-Unis: Accélération des demandes hebdomadaires d’indemnisation chômage
Il n’empêche que l’affaiblissement récent d’autres indicateurs conjoncturels, comme les ISMs, et notamment celui des services, pourrait indiquer que les entreprises commencent de manière plus importante à réduire leur personnel afin de restaurer leurs marges. Mais, encore une fois, il est bien trop tôt pour le dire. Si tel était le cas, ce serait une bonne nouvelle pour la Fed pour justifier une pause et constater que sa politique restrictive commence à réduire de manière encore plus manifeste les excès de demande dans l’économie.