Lettre Stratégie & Investissement | Les vues de la Gestion à trois mois : une transition lente vers une croissance déprimée

Stratégie & Investissement10.08.2023
Investissement durable

Une prudence constructive pour affronter l’incertitude

L’économie mondiale décélère après un 2e trimestre plutôt robuste, notamment aux Etats-Unis. La décélération est plus marquée en Europe. Aux Etats-Unis, la demande reste plus résiliente, soutenue toujours par la consommation, elle-même bénéficiant d’un marché du travail robuste. En même temps, la forte reprise chinoise initiée par l’arrêt de la politique Zéro-Covid est en train de perdre de la vitesse, ce qui se traduit par une décélération de la consommation. Globalement, la croissance dans la plupart des zones est toujours tirée par les services, alors que l’industrie reste à la peine.

Nous considérons toujours que la croissance devrait rester faible sur les trimestres qui viennent. Aux Etats-Unis, toujours portée par la consommation, la croissance devrait encore résister à très court terme, mais perdre de la vitesse. Les effets retardés du resserrement monétaire devraient contraindre la demande et ne seraient pas compensés par les effets positifs de la désinflation lente en cours. Ainsi, nous attendons toujours une légère contraction de l’activité vers la fin de l’année et début 2024. En Zone Euro, nous pensons que l’activité restera contrainte par des conditions de financement qui resteront restrictives. Néanmoins, même si les risques ont augmenté récemment, nous pensons qu’une récession peut être évitée. Dans un contexte de croissance faible, les banques centrales devraient arrêter la poursuite des hausses des taux. En effet, la demande perdant de la vitesse, la désinflation devrait se poursuivre, aidée par le maintien de politiques restrictives.

Les trimestres à venir, malgré le ton optimiste de certains, nous semblent encore très incertains. Ainsi, nous gardons une allocation d’actifs relativement prudente. Néanmoins, nous intégrons la possibilité de perspectives meilleures que prévues, ce qui nous pousse à légèrement sous pondérer les actifs risqués. Nous nous focalisons sur des valorisations raisonnables et les thématiques de croissance d’avenir. Nous préférons les obligations d’entreprises de qualité qui offrent des rendements intéressants et conservons un niveau de cash bien rémunéré relativement élevé.
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Nos convictions sur l’environnement économique global à
un horizon de trois mois


Le deuxième trimestre de l’année a montré une plus grande résilience de la croissance mondiale que ce qu’était anticipé, notamment aux Etats-Unis. En même temps, la dynamique de baisse de l’inflation a bien été confirmée avec une décélération de celle-ci des deux côtés de l’Atlantique, aidée notamment par la forte contribution du recul des prix de l’énergie depuis les sommets atteints l’année dernière. Ce recul a d’ailleurs été un des facteurs qui a contribué à soutenir quelque peu la demande depuis le début d’année. Néanmoins, les derniers indicateurs avancés pointent vers une décélération de l’activité alors que la croissance chinoise perd de la vigueur.

L’affaiblissement de l’activité que nous constatons va dans la direction que nous anticipions, c’est-à-dire la convergence vers une croissance qui devrait rester faible pendant quelques trimestres. Le facteur essentiel derrière notre prévision est l‘effet retardé de la restriction monétaire et surtout le maintien de cette restriction pendant une période encore longue afin de faire converger l’inflation vers la cible de 2%. Néanmoins, nous pensons que les banques centrales sont arrivées au bout du cycle de resserrement, du moins concernant la Fed et la BCE. Ainsi, les taux de la Fed et de la BCE devraient rester au niveau atteint en juillet, soit respectivement à 5,4% et de 3,75%. Le risque reste toutefois à la hausse en cas de résilience plus forte de la demande.


Les dernières données économiques pointent vers une décélération de l’activité dans les grands pays. En effet, les enquêtes PMI pour le mois de juillet ont montré que le dynamisme qui avait perduré jusqu’à maintenant du secteur des services semble un peu s’amoindrir alors que l’industrie reste toujours à la peine. Néanmoins, il y a tout de même des différences régionales. La décélération outre Atlantique semble être de moindre ampleur. De fait, au 2T23, le PIB américain a connu un rebond par rapport au trimestre précédent, avec une croissance de 2,4% en rythme annualisé, contre 2% au 1T23. Même si la consommation a un peu fléchi, elle devrait encore porter la   croissance au 3T23, même si celle-ci devrait se modérer. En Zone Euro, la croissance s’est reprise au 2T23, avec le PIB gagnant 0,3% après une stagnation sur les deux trimestres précédents.  Malheureusement, c’est bien en Zone Euro où les perspectives de croissance se sont le plus détérioré. Le PMI composite (services et industrie) a continué de baisser se situant pour le deuxième mois consécutif en territoire de contraction à 48,6.  Evidemment, ce signal n’est pas positif et cache des différences au sein de la zone. L’Espagne par exemple semble encore résister, alors que l’Italie semble voir l’activité fléchir après une longue période de surperformance par rapport au reste de la zone. Mais c’est surtout l’activité en France et en Allemagne qui semble s’être le plus détérioré. Nous gardons la vue d’une croissance qui restera médiocre, mais nous n’anticipons pas de récession, même si les risques d’une croissance plus faible ont augmenté. La raison principale, tout comme aux Etats-Unis, est que le marché de l’emploi résiste toujours, avec un taux de chômage à 6,4% en juin, soit un plus bas historique. En outre, avec des taux d’épargne qui restent élevés, on peut penser que la consommation pourrait se montrer encore résiliente.
Par ailleurs, nous anticipons que la croissance devrait ralentir en Chine après les premiers signes de décélération constatés au 2T23 avec une expansion du PIB de 0,8% contre 2,2% au 1T23. L’enquête PMI pour juillet a bien montré cette perte de dynamisme. Surtout, même si nous attendons à plus de soutien à l’économie de la part du gouvernement, celui-ci risque d’être limité. 

Un facteur qui devrait aider à soutenir la croissance des deux côtés de l’Atlantique est la poursuite de la réduction de l’inflation au cours des mois à venir. La progression des prix a fortement baissé aux Etats-Unis en juin, atteignant 3% en glissement annuel, soit le plus bas niveau depuis mars 2021. Le facteur essentiel derrière cette baisse a été le recul massif des prix de l’énergie, depuis les très hauts niveaux atteints lors du début de la guerre en Ukraine. Néanmoins, l’inflation cœur a aussi pris une dynamique baissière s’établissant à 4,8% en glissement annuel, après 5,3% le mois précédent.  Malgré cette baisse, l’inflation reste plus de 2 fois plus élevée que la cible de 2%. Nous pensons, que la décrue sera lente, d’autant plus que les salaires continuent à progresser à un rythme autour de 5%. En Zone Euro, l’inflation a aussi reculé passant à 5,3% en glissement annuel en juillet, contre 5,5% le mois précédent. Néanmoins, l’inflation cœur est resté stable à 5,5%. Avec une croissance qui s’affaiblit, nous projetons que l’inflation va entamer une baisse qui devrait la porter vers 4% d’ici la fin 2023. Mais nous continuons de penser que la convergence de   l’inflation vers la cible de la BCE sera lente et nous la projetons vers la fin 2024 ou début 2025. Beaucoup dépendra de la détente du marché du travail, qui pour l’instant reste dans une situation de tension ce qui se traduit par des salaires qui progressent autour de 4,5% en glissement annuel. Aussi, malgré une croissance mondiale faible, on peut connaitre des pressions sur les   matières premières plus fortes que nous ne l’anticipons. Sur les denrées alimentaires, la suspension unilatérale par la Russie de l’accord sur les exportations alimentaires ukrainiennes à partir du port d’Odessa et l’arrivée du phénomène du Niño pourraient mettre une pression haussière sur les prix. Sur l’énergie, les coupes de production par l’Arabie Saoudite et la baisse de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis pourraient maintenir les prix du pétrole plus élevés qu’anticipé. 

Les principales banques centrales ont de nouveau relevé leurs taux directeurs en juillet.   Nous pensons que la Fed comme la BCE ont fini leur campagne de hausse des taux d’intérêt. Nous pensons que la décélération de l’activité qui s’opère, en partie provoquée par conditions de crédit plus restrictives, devrait permettre à la demande de décélérer suffisamment pour être plus en adéquation avec l’offre et permettre la poursuite de la détente de l’inflation. Cette prévision s’appuie sur l’idée que les politiques monétaires resteront restrictives pendant une période assez longue, s’étendant sur une bonne partie de 2024. Le risque, néanmoins, reste que la demande soit trop résiliente, maintenant les pressions inflationnistes et donc force les banques centrales à en faire davantage. 


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