L’exceptionnalisme américain persiste

Décryptages marchés04.12.2024
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Retrouvez  le décryptage marché du 04  décembre 2024, signé Sebastian PARIS HORVITZ


Ce qu’il faut retenir 


Aujourd’hui on saura si le gouvernement mené par M. Barnier va survivre à la motion de censure déposée contre le projet de financement de la sécurité sociale. Étant donné les récentes déclarations des dirigeants du Rassemblement National, la probabilité du refus de voter la confiance au gouvernement par une majorité est très élevée. Mais ce vote n’est toujours pas certain.  Si la censure est votée, E. Macron devra nommer un nouveau Premier ministre. Entre-temps, les dépenses de l’Etat seront régies par les dispositions de la loi de finances actuelle. Ceci veut dire que l’ajustement nécessaire des finances publiques sera de nouveau retardé. Il est évident que dans une telle situation, ceci agira négativement sur la confiance et affectera la croissance, si l’incertitude perdure. A ce stade, nous restons très prudents sur la dette publique française, qui pourrait pâtir d’une prime de risque supplémentaire.

Ce contexte d’incertitude, qui ne peut que nourrir l’inquiétude, a été renforcé par les résultats des enquêtes PMI finales de S&P pour l’industrie pour les pays de la Zone Euro, pour le mois de novembre. En effet, comme attendu, l’indicateur d’activité a baissé par rapport au mois précédent, restant en territoire de contraction et à un niveau faible. Des grands pays, seule l’industrie espagnole continue à croître, alors que celle de l’Italie a accéléré sa contraction.  L’indice italien a perdu 5 points depuis août dernier. La France et l’Allemagne restent toujours à la traîne. Ces chiffres confirment notre projection d’une croissance très faible au 4T24 de l’économie européenne.

Notre projection du maintien d’une croissance faible, proche de la stagnation en Zone Euro au 4T24 s’appuie en partie sur la résistance de la consommation. En ce sens, le taux de chômage de la région reste historiquement bas, ressorti à 6,3% en octobre. Ceci, avec des salaires qui évoluent plus vite que l’inflation, permet d’envisager des ménages qui montrent un appétit de dépense plus dynamique, alors que les taux d’intérêt baissent. Néanmoins, il est évident que les incertitudes actuelles pourraient freiner cet élan.

En fait, au niveau mondial, à la différence de la Zone-Euro, l’activité industrielle ne se contracte plus et retrouve la stabilité en novembre. Cette amélioration est due à quelques pays, dont la Chine et les Etats-Unis. L’activité industrielle, mesurée par l’enquête privée de CAXIN en Chine, indique de manière surprenante, que celle-ci rebondit. Aux-Etats-Unis, l’activité s’approche de la stabilité.

En fait, de nouveau, les statistiques américaines s’améliorent alors qu’en Europe la situation reste médiocre. On peut penser que, comme l’a montré l'engouement pour les actifs américains, que les entreprises dans l’industrie espèrent aussi une amélioration de la conjoncture. De fait, l’enquête ISM dans l’industrie pour novembre a révélé que les nouvelles commandes ont retrouvé la croissance après 7 mois de contraction.  Aussi, concernant l’emploi, même s’il se contracte toujours, l’indice s’approche de la stabilité. Au total, l’enquête ISM souligne encore l’exceptionnalisme américain. La croissance tient toujours et semble aujourd’hui soutenue par une forte confiance dans les politiques pro-business de D. Trump.

En Corée du Sud, le chaos a gagné le pays après la décision de Yoon Suk Yeol de faire appliquer la loi martiale dans le pays. Celle-ci interdit toute les activités politiques ou grèves et les médias passent sous le contrôle de l‘Etat. Néanmoins, les parlementaires se sont réunis et ont voté à l’unanimité pour annuler la décision du président. Celui-ci a donc décidé de revenir sur sa décision. Entre-temps, le won s’est écroulé et les actions coréennes souffrent quelque peu depuis l’ouverture.  En partie, en dépit du chaos politique, l’absence de panique s’explique par les déclarations des autorités qui se sont dit prêtes à faire le nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du marché, y compris d’offrir toute la liquidité nécessaire. La situation politique reste très perturbée, avec l’appel à la démission du président.



Pour aller plus loin

Les enquêtes finales PMI de S&P sur l’activité industrielle au niveau mondial sont ressorties mieux qu’attendues. En effet, l’activité au niveau global, telle que compilée par JP Morgan, stagne sur le mois au lieu de se contracter comme sur les mois précédents. 
Néanmoins, la situation reste toujours difficile dans l’industrie mondiale, et l’amélioration en novembre est due seulement à quelques pays et n’est donc pas généralisée. 

En effet, c’est notamment le fort rebond de l’activité industrielle en Chine et une amélioration plus marquée qu’attendue de la situation aux Etats-Unis qui ont contribué à ce résultat plus favorable. 

Concernant, la Chine, la montée de l’indice (CAXIN) du secteur manufacturier, bien que traduisant, en partie, l’apport du commerce extérieur à la croissance de l’activité industrielle, semble un peu exagérée par rapport aux autres indicateurs dont on dispose, en particulier vu la faiblesse de demande intérieure. De fait, l’indice PMI (CAXIN) pour les services, s’est tassé en novembre, même si légèrement, mais reste en territoire d’expansion. 

En revanche, aux Etats-Unis, il semble bien que l’optimisme associé à l’élection à la présidence de D. Trump, du fait de l’attente de politiques plus pro-business, semble avoir donné plus de confiance aux industriels. 

En revanche, la Zone Euro continue de voir son industrie souffrir, avec l’indice qui décline et reste toujours en zone de contraction relativement marquée de l’activité.

Monde :  L’activité industrielle stagne en novembre, sortant de la période de contraction, mais cette amélioration n’est pas généralisée


Monde :  L’activité industrielle stagne en novembre, sortant de la période de contraction, mais cette amélioration n’est pas généralisée

L’activité industrielle aux Etats-Unis mesurée par l’enquête ISM, la plus fiable, a montré une nette amélioration. En effet, l’indice agrégé a monté de près de 2 points, mais reste en territoire de contraction, bien que proche de la stabilité, à 48,5, soit à son plus haut niveau depuis juin dernier. 
 
Plusieurs facteurs participent à l’amélioration. En premier lieu, on a une forte reprise des nouvelles commandes.  Celles-ci repassent pour la première fois depuis 7 mois en territoire de croissance. En partie, on peut attribuer ce rebond à la réaction favorable des entreprises à l’élection de D. Trump, avec des attentes fortes sur la mise en place de politiques pro-business. Aussi, la situation de l’emploi s’améliore très nettement, avec une hausse de près de 4 points de l’indice.

États-Unis :  L’activité dans l’industrie se reprend en novembre et s’approche de la stabilité, avec l’indice l’enquête PMI retrouvant son plus depuis juin dernier


États-Unis :  L’activité dans l’industrie se reprend en novembre et s’approche de la stabilité, avec l’indice l’enquête PMI retrouvant son plus depuis juin dernier
 
Il faut tout de même souligner, qu’il est encore trop tôt pour être sûr qu’une reprise durable de l’industrie outre-Atlantique est bien là. De fait, la production industrielle est toujours en territoire de contraction. 
 
Néanmoins, encore une fois, la dynamique de l’économie américaine semble plus favorable qu’ailleurs. C’est toujours l’exceptionnalisme américain qui domine. La hausse des nouvelles commandes et l’amélioration de la situation de l’emploi sont de bon augure pour l’avenir.
 
De fait, au niveau de l’emploi, nous avons eu les chiffres des offres d’emploi, qui ont rebondi nettement en octobre. En partie, ceci doit être vu comme une correction de la forte baisse des mois précédents, les offres ayant été affectées par les grèves et les intempéries. 
 
Au total, le ratio des offres d’emploi par rapport au nombre de chercheurs d’emploi ne baisse plus et est légèrement inférieur au point haut qu’on avait connu avant l’épidémie de Covid, mais, bien sûr, très en dessous du niveau extrême de 2022.

États-Unis :  Le ratio des offres d’emploi rapporté aux demandes ne baisse plus et reste proche du niveau élevé d’avant le Covid


États-Unis :  Le ratio des offres d’emploi rapporté aux demandes ne baisse plus et reste proche du niveau élevé d’avant le Covid

Malheureusement, en Zone-Euro, la situation de l’industrie reste difficile, avec une nouvelle baisse de l’indice de l’enquête PMI de S&P pour le mois de novembre. Cette baisse était similaire au résultat préliminaire de l’enquête qu’on avait eu il y a un peu moins de 15 jours.  
 
Il faut souligner que dans les grands pays, seule l’Espagne s’en sort mieux. Ainsi malgré une décélération de l’activité en novembre, celle-ci reste en expansion. Tous les autres pays, sont toujours en territoire de contraction avec notamment l’Italie qui continue de voir l’activité dans le secteur décliner et s’enfoncer en territoire de contraction.  La France et l’Allemagne ferment toujours la marche, avec une situation toujours très dégradée, même si l’Allemagne semble sortir du pire

Zone-Euro :  L’industrie reste un des maillons les plus faibles de l’activité dans la région

Zone-Euro :  L’industrie reste un des maillons les plus faibles de l’activité dans la région

Aussi, les entreprises du secteur indiquent toujours qu’elles réduisent leurs effectifs, mais ces réductions ne sont toujours pas massives.
 
De fait, le taux de chômage de la région reste historiquement faible, à 6,3% en octobre. Le secteur des services continue à amortir très largement la situation dégradée de l’industrie. Néanmoins, dans les mois à venir on devrait voir une détérioration de la situation de l’emploi, même si modérée.


Zone-Euro :  Le taux de chômage reste à un niveau historiquement faible, malgré la détérioration de l’activité

Zone-Euro :  Le taux de chômage reste à un niveau historiquement faible, malgré la détérioration de l’activité

Comme nous continuons de le penser, la baisse des taux d’intérêt de la BCE sera un élément crucial pour soulager les entreprises et donner un peu plus d’élan à l’économie européenne. Ainsi, une détérioration modérée du marché de l’emploi ne devrait pas empêcher la consommation de tenir et d’assurer que la croissance économique ne se détériore davantage, notamment grâce à un pouvoir d’achat qui s’améliore. Evidemment, le retour vers une plus grande stabilité politique dans les grands pays de la Zone sera aussi un élément crucial pour assurer une reprise de l’activité.

Sebastian PARIS HORVITZ


Sebastian PARIS HORVITZ

Directeur de la Recherche

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