La Fed devrait rester patiente pour un moment 

Décryptages marchés12.02.2025
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Retrouvez  le  décryptage marché du 12   février    2025, signé Sebastian PARIS HORVITZ.

Ce qu’il faut retenir 

À l’annonce de la hausse des tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier par D. Trump, l’Union Européenne (UE), à travers la présidente de la Commission, a déclaré qu’elle se devait de riposter. Une série de produits américains devrait être visée d’ici la mise en œuvre de la taxe américaine de 25 % le 12 mars prochain. D. Trump, lors de son premier mandat, avait déjà pris des mesures similaires et l’UE avait réagi. Néanmoins, in fine, un accord fut trouvé en 2021, mettant en place un mécanisme de quota et allégeant les tarifs douaniers. Cette fois-ci, D. Trump semble moins enclin au dialogue. Si tel est le cas, le sentiment d’un risque de guerre commerciale ne fera que grandir et sera négatif pour l’économie mondiale. À ce stade, nous maintenons un scénario économique « raisonnable » sur les éventuelles mesures protectionnistes. Le marché semble faire de même, mais l’inquiétude monte.

Ce contexte d’incertitude contraste pour l’instant avec l’état de l’économie américaine, qui reste solide. J. Powell, le président de la Fed, a déclaré devant le Congrès qu’effectivement, d’après lui, l’économie restait robuste, avec notamment un marché de l'emploi très solide, même si mieux équilibré que dans les années passées. Aussi, l’inflation reste plutôt élevée et n’est toujours pas dans une trajectoire certaine de convergence vers la cible de 2 %. Aujourd’hui, les statistiques d’inflation pour janvier risquent de confirmer la lente décélération. Dans ce cadre, selon J. Powell, la Fed n’a pas à se précipiter pour continuer à baisser les taux. Ce message a bien été entendu par le marché, avec les taux d’intérêt à long terme qui se sont un peu tendus.

Alors que les derniers sondages d’opinion donnent une popularité forte au nouveau président (53 % d’opinions favorables selon le sondage de CBS), il est singulier de voir que l’enquête de janvier de l’Association des commerces indépendants (NFIB) auprès de ses membres montre un renversement de tendance quant à l’appréciation de l’incertitude économique. Celle-ci a fortement augmenté ce mois-ci. Aussi, les intentions d’investissement futures ont effacé le précédent rebond. Néanmoins, la confiance globale, tout en reculant en janvier, reste plutôt élevée. Au total, la persistance du soutien populaire pourrait inciter le Président à maintenir sa politique intérieure et extérieure assez agressive, mais le risque est bien que la confiance se délite devant l’incertitude.

En Europe, outre la potentielle crainte d’une hausse des tarifs douaniers par les États-Unis, la région doit faire face à une montée des prix du gaz assez conséquente en ce début d’année. Cette hausse semble liée aux craintes de guerre commerciale, mais aussi à la baisse des stocks de la région avec une demande qui a été élevée pendant l’hiver. Néanmoins, les stocks restent proches de la moyenne historique, même si inférieurs à ceux de l’année dernière. À moins d’un choc, il est difficile de voir le prix monter bien plus haut. Mais cette hausse va peser sur les chiffres d’inflation et donc sur le pouvoir d’achat des ménages. Son effet devrait se dissiper peu à peu, et la BCE, en l’état, ne devrait pas changer de cap et poursuivre l’assouplissement monétaire.



Pour aller plus loin

Le prix du gaz a atteint son plus haut niveau depuis le début 2023 en Europe. Depuis le début d’année la hausse a été de plus de 12%.  Néanmoins, les prix restent évidemment bien plus bas que ceux atteints lors du début de la guerre en Ukraine.

Union Européenne :  Forte montée du prix du gaz depuis le début d’année


Union Européenne :  Forte montée du prix du gaz depuis le début d’année

Cette hausse va avoir un impact sur les prix de l’électricité. En effet, le système de fixation des prix de l’électricité en Europe est en cours de rediscussion et donc dépend toujours du dernier producteur marginal d’électricité, soit des centrales alimentées au gaz.

Évidemment, la montée des prix de l’énergie n’est pas une bonne nouvelle. Alors que la région souffre d’un manque de croissance, ce renchérissement du coût de l’énergie va peser sur le pouvoir d’achat des ménages et donc possiblement sur la consommation.

À ce stade, il est difficile de voir les pressions sur le prix du gaz monter encore très fortement. Certes, les niveaux de stocks ont baissé plus qu’attendu en ce début d’année, avec une demande qui a été plus forte que prévu en raison d’un hiver plus rigoureux dans la région. Mais les stocks restent proches de la moyenne historique des dix dernières années, bien qu’inférieurs aux hauts niveaux de l’année dernière.

En même temps, à ce stade, les industriels semblent réticents à augmenter les achats de gaz pour remplir les cuves, car la structure des prix futurs n’est pas très favorable.

Au total, en l’absence de choc, le plus probable est que les prix devraient se calmer peu à peu à la sortie de l’hiver.

Toutefois, la hausse des prix, si elle se maintient aux niveaux actuels, se verra sur les prix à la consommation en zone euro à court terme et pèsera sur le pouvoir d’achat. Néanmoins, cet effet sur l’inflation devrait peu à peu se dissiper, même si les prix du gaz restaient aux niveaux actuels. Nous pensons que la possibilité d’une décrue des prix reste très probable, ce qui accentuerait la dissipation de l’impact de cette montée des prix énergétiques.

Union Européenne :  l’impact de la hausse des prix énergétiques sur l’inflation, si les prix devaient rester aux niveaux actuels, devrait se dissiper graduellement.


Union Européenne :  l’impact de la hausse des prix énergétiques sur l’inflation, si les prix devaient rester aux niveaux actuels, devrait se dissiper graduellement.
 

Cette évolution des prix de l’énergie n’est pas une bonne nouvelle pour la trajectoire de l’inflation. Néanmoins, celle-ci doit être considérée comme un choc d’offre négatif qui affectera la demande et pas comme un choc inflationniste. C’est sûrement l’interprétation qu’en fera la BCE, même si certains membres du conseil des gouverneurs, les plus orthodoxes, voudront appeler à la prudence devant la crainte de possibles effets de second tour.

Nous pensons, qu’à ce stade, la hausse des prix de l’énergie ne devrait pas fondamentalement changer la trajectoire de baisse des taux directeurs de la BCE. Nous attendons toujours la convergence du taux directeur vers 2% cet été.
 
Aux États-Unis, les derniers sondages d’opinion donnent des avis très favorables sur la politique menée par le Président Trump depuis son investiture. En effet, les derniers sondages, dont celui de CBS News qui donne 53 % d’opinions favorables, montrent un fort soutien pour le président. Évidemment, ceci peut sembler étonnant devant les incertitudes provoquées dans le reste du monde par les politiques protectionnistes menées par la nouvelle administration américaine.

En ce sens, la dernière enquête menée par l’Association des commerces indépendants est un peu étonnante. En effet, alors que l’élection de D. Trump avait suscité un grand engouement auprès de ses membres, l’enquête de janvier révèle que l’incertitude a fortement remonté au cours du mois. Néanmoins, l’optimisme des membres reste élevé, même si en recul par rapport au mois précédent.

États-Unis :  L'enquête du NFIB pour janvier montre que l’optimisme des commerçants reste élevé, même si en baisse.


Etats-Unis :  L'enquête du NFIB pour janvier montre que l’optimisme des commerçants reste élevé, même si en baisse.

Malgré donc cette opinion favorable sur le Président, il semblerait bien que les décisions économiques prises jusqu’ici commencent à susciter quelques inquiétudes chez ces acteurs, avec ce changement très net de cap de leur opinion sur l’incertitude concernant le contexte économique.

États-Unis :  Le fort déclin de l’incertitude après l’élection de D. Trump s’est arrêté net en ce début janvier avec un très fort rebond de celle-ci chez les commerçants


Etats-Unis :  Le fort déclin de l’incertitude après l’élection de D. Trump s’est arrêté net en ce début janvier avec un très fort rebond de celle-ci chez les commerçants


L’impact le plus tangible de cette incertitude peut se voir dans le changement assez radical des opinions sur les intentions d’investir. En effet, presque tout le rebond du mois précédent a été effacé en janvier. On est ainsi revenu au point le plus bas depuis l’automne dernier.

États-Unis :  La remontée de l’incertitude semble avoir eu un impact très fort sur les intentions de dépenses d’investissement chez les commerçants


Etats-Unis :  La remontée de l’incertitude semble avoir eu un impact très fort sur les intentions de dépenses d’investissement chez les commerçants

Évidemment, il ne s’agit pas de surinterpréter ces chiffres. Mais il est important tout de même de voir que pour certaines catégories, l’incertitude créée par certaines décisions de politique économique engendre un climat qui pourrait s’avérer contre-productif et commencer à entamer la confiance de catégories a priori très acquises au gouvernement en place.

On le sait, vu les énormes attentes, une décélération plus forte que prévu de la croissance ou une accélération de l’inflation dans les quelques mois qui viennent pourraient radicalement faire changer l’opinion. Mais, est-ce que ceci aurait un impact au niveau des politiques menées par D. Trump ? Rien n’est moins sûr.​​​​​​​​​​​​​​

Sebastian PARIS HORVITZ

Sebastian PARIS HORVITZ

Directeur de la Recherche

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