La Fed et la BCE sont en bonne position pour attendre et voir 

Décryptages marchés12.12.2025
La Fed et la BCE sont en bonne position pour attendre et voir

Que retenir de l'actualité de marché du 12 décembre 2025 ?  Réponses avec le décryptage de Xavier Chapard.

Vue d'ensemble

 La Fed n’a finalement pas surpris les marchés. Elle a baissé ses taux de 25pb pour la troisième fois consécutive, à 3,5-3,75%, tout en accompagnant sa décision d’un ton plus conservateur sur sa politique monétaire future. Le membre médian de la Fed prévoit toujours une seule baisse de taux en 2026. Le communiqué reprend la formulation de décembre dernier, juste avant la pause de 9 mois dans les baisses de taux de la Fed. Et Powell a suggéré que la Fed était dans une bonne position pour attendre et voir maintenant que le taux directeur était revenu proche d’un niveau neutre.

Cela dit, la Fed conserve un biais baissier sur le taux, le risque sur l’emploi étant jugé un peu plus élevé que le risque sur l’inflation à court terme. Et cela malgré un scénario économique plus optimiste que dernièrement, avec une croissance revue en hausse pour les prochaines années et une inflation un peu moins élevée que redoutée pour l’année prochaine.

Au total, nous maintenons après cette réunion notre scénario d’une dernière baisse de taux de la Fed en février avant une longue pause. Ce scénario reste un peu plus conservateur que celui du marché. Mais le bais encore baissier de la Fed, l’amélioration des perspectives économiques et le fait que le marché n’anticipe plus qu’une baisse de taux pour le premier semestre 2026 nous pousse à penser que la toile de fond macro devrait rester favorable aux actifs risqués début 2026.

► La Fed a par ailleurs annoncé qu’elle allait reprendre la hausse de son bilan un peu plus tôt et un peu plus fortement que nous l’anticipions. Il ne s’agit pas d’un nouvel assouplissement quantitatif mais d’un ajustement technique pour s’assurer qu’il n’y ait pas de tensions sur les marchés monétaires. Cela dit, ces nouvelles injections de liquidités et achats de bon du Trésor sont indirectement favorables aux actifs plus risqués.

La vraie surprise est le niveau historiquement élevé de désaccords au sein de la Fed. Trois membres ont voté contre la baisse de taux de 25pb et les projections de taux pour l’année prochaine sont très dispersées. Il semble que Powell a déjà perdu la main sur le comité et augure d’un début de mandat compliqué pour son successeur dans la deuxième partie de l’année. Cela pourrait à terme augmenter la volatilité des taux longs.

Outre la Fed, d’autres banques centrales ont adopté un ton moins accommodant sur leur politique future (la Banque Nationale de Suisse, la Banque d’Australie…). Et la dernière baisse de taux de la BCE que nous attendons début 2026 est de moins en moins probable vu les derniers discours (Lagarde, Schnabel). Au total, le cycle de normalisation des taux directeurs des principales banques centrales devrait prendre fin dans la première partie de l’année prochaine, avec un taux qui sera seulement revenu à un niveau neutre. Cela ne devrait pas empêcher les actifs risqués de progresser en début d’année mais devrait limiter leur performance et pourrait même commencer à peser négativement dans la seconde partie de l’année prochaine.

Si la fin de l’année approche, elle est loin d’être terminée pour les marchés. Ils devront faire face la semaine prochaine à la publication aux Etats-Unis des chiffres d’emploi mardi et de l’inflation jeudi, qui auront un gros impact sur la Fed après deux mois sans données. Par ailleurs, la BCE et la Banque d’Angleterre (BoE) se réunissent jeudi, et la Banque du Japon BoJ vendredi.
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Pour aller plus loin

Fed : Plus de patience, beaucoup de désaccords, mais un biais baisser conservé

La Fed baisse ses taux pour la troisième réunion consécutive


La Fed baisse ses taux pour la troisième réunion consécutive

Comme attendu, la Fed a réduit de 25pb son taux directeur à 3,5/3,75%. C’est la troisième consécutive après 9 mois de pauses, de telle sorte que la Fed aura réduit ses taux de 75pb cette année après 100pb en 2024. 

La Fed adopte un ton un peu moins accommodant, aussi comme attendu. L’ajustement des taux pour « gérer les risques » approche de sa fin et une pause est probable en janvier.  En effet, les projections de taux des membres de la Fed (le fameux « dot-plot ») restent globalement inchangées et indiquent une seule baisse de taux en 2026 et en 2027, ce qui est un rythme de baisse de taux plus lent et limité que lors des deux années précédentes. Par ailleurs, la Fed ajoute dans son communiqué au sujet des ajustements supplémentaires qu’elle décidera de « l’ampleur et du calendrier ». Elle avait utilisé cette formulation pour la dernière fois en décembre dernier, avant de faire une longue pause dans ses baisses de taux. Cela suggère que les conditions pour des baisses de taux supplémentaires sont plus élevés que lors des derniers mois. Enfin, Powell a indiqué durant sa conférence de presse que la Fed était « en bonne position » pour attendre et voir, maintenant qu’elle avait ramené ses taux dans la fourchette des estimations du taux neutre (i.e. le taux qui n’accélère ni ne ralentit l’économie et l’inflation). Cela suggère que l’ajustement de milieu de cycle est bien avancé.

Mais la Fed conserve globalement un biais baissier. La Fed réitère dans son communiqué que l’inflation reste « un peu élevée » et que « le taux de chômage a légèrement augmenté », ce qui est équilibré. Mais elle note spécifiquement qu’elle « estime que les risques à la baisse pour l’emploi ont augmenté ces derniers mois ». Et il n’est plus fait mention du fait que le taux de chômage reste « bas ». Cela suggère que la majorité des membres de la Fed estime toujours que les risques sur l’emploi dépassent les risques sur l’inflation en fin d’année, ce qui implique un biais à baisser davantage les taux. Le dot-plot montre d’ailleurs qu’aucun membre n’anticipe une hausse des taux l’année prochaine alors que la majorité anticipe une ou des baisses et que le taux actuel est dans le haut de la fourchette d’estimation du taux neutre. Durant la conférence de presse, Powell a renforcé ce sentiment accommodant en indiquant que l’emploi était probablement surestimé ces derniers mois et donc qu’en réalité il devait baisser probablement légèrement depuis l’été. Et Powell anticipe un impact des tarifs temporaire sur l’inflation qui commencerait à refluer après le 1er trimestre. 

Au total, nous maintenons notre scénario d’une dernière baisse de taux en mars prochain et pensons que les risques autour de ce scénario sont équilibrés à l’heure actuelle. Mais le déluge de chiffres macro à partir de la semaine suite à la fin de shutdown pourrait changer cet équilibre.

Les membres de la Fed n'indiquent toujours qu'une baisse de taux pour l'année prochaine

Les membres de la Fed n'indiquent toujours qu'une baisse de taux pour l'année prochaine


Au-delà du message attendu de la Fed, ce qui surprend c’est le niveau très élevé de désaccords au sein de la Fed. Trois des 12 membres votants ont voté contre la décision de baisser les taux de 25pb, une première depuis le Covid. Ces oppositions sont de nouveau dans les deux sens. Miran, un proche de Trump dont le manat se termine en janvier, a de nouveau voté pour une baisse plus importante (50pb). Au contraire, 2 gouverneurs de Fed régionales ont voté pour maintenir les taux inchangés, soit un de plus qu’en octobre. Et 6 membres du comité de politique monétaire ont indiqué dans leurs projections souhaiter des taux inchangés en décembre, ce qui suggère que plusieurs autres gouverneurs de Fed régionales auraient voté contre la baisse de taux de cette semaine s’ils avaient fait partis des votants cette année.

Powell a-t-il perdu le contrôle sur la politique de la Fed ? Ce ne serait pas surprenant à moins de 6 mois de la fin de son mandat et vu les pressions politiques actuelles. Surtout, l’incertitude sur la balance des risques entre l’emploi et l’inflation dans les prochains mois est importantes. Cela ne favorise pas le consensus.

Ces tensions internes brouillent un peu le message de la Fed et augmentent l’incertitude sur ce que fera la Fed sous la prochaine présidence à partir du milieu d’année prochaine. Cela pourrait à terme injecter plus de volatilité sur la partie longue de la courbe des taux américaine.


Le scénario des membres de la Fed est moins stagflationniste


Le scénario des membres de la Fed est moins stagflationniste

Pour les marchés, la position de la Fed reste positive selon nous, ce qui soutient notre surpondération des actions pour le début de l’année prochaine. 
En effet, même si la Fed ne devrait plus beaucoup baisser ses taux dans ce milieu de cycle (une seule fois selon nous), le fait qu’elle conserve un biais baissier est une assurance primordiale pour les actifs risqués. Cela implique qu’elle sera en soutien des marchés en cas de mauvaise surprise. Et le marché ne price plus qu’une baisse de taux d’ici mi-2026. Cela limite le risque de déception à court terme même si les anticipations de baisse de taux du marché au-delà nous semble encore un peu trop élevées. 
Enfin, le nouveau scénario de la Fed est assez optimiste, ce qui devrait soutenir la confiance des investisseurs. En effet, les membres de la Fed ont revu significativement à la hausse la croissance pour les prochaines années (de 0,7% en cumulé d’ici 2028) tout en révisant un peu à la baisse l’inflation l’année prochaine. La Fed anticipe donc des conditions moins stagflationnistes que précédemment.


Fed : La politique bilancielle réduit le risque de tension sur les marchés monétaires

Le Fed recommencera à augmenter son bilan dès aujourd’hui

Le Fed recommencera à augmenter son bilan dès aujourd’hui

Lors de la réunion de la Fed de mercredi, la Fed a annoncé qu’elle recommencerait à augmenter son bilan dès aujourd’hui, seulement quelques jours après avoir arrêté de le réduire. Cela a été pris par les marchés comme un signe d’assouplissement supplémentaire (le retour du Quantitative Easing ?). 

En réalité, il s’agit d’un ajustement technique que la Fed fait pour gérer la liquidité. Les réserves des banques déposés à la Fed ont baissé nettement depuis septembre car, en plus de la réduction du bilan (le Quantitative Tighteningou QT), le compte courant du Trésor à la Fed a rapidement augmenté à cause du shutdown. Dès lors, le niveau de réserves des banques est revenu d’un niveau d’excès à un niveau « ample », ce qui était l’objectif de la Fed.

La Fed souhaite éviter les tensions sur le marché monétaire

La Fed souhaite éviter les tensions sur le marché monétaire

Le bon niveau de réserves pour la Fed est le plus petit niveau qui permet aux taux monétaires de marché de rester dans la bande qu’elle cible (3,5-3,75% actuellement. Or de légères tensions sur les taux monétaires sont apparus depuis octobre, malgré des réserves bancaires encore proche de 2900 Mds de dollars. En effet, les taux repo au jour le jour et les taux interbancaires sont monté dans le haut de la bande ciblé pour le taux Fed funds et ont même dépassé la limite haute certains jours. C’est le signe que certaines institutions financières avaient un peu de mal à accéder à la liquidité dont elles avaient besoin.

La Fed estime donc que le temps est venu de faire augmenter les réserves bancaires graduellement pour éviter tout stress de liquidité. 


La Fed sera la première acheteuse de bon du Trésor l'année prochaine

La Fed sera la première acheteuse de bon du Trésor l'année prochaine

Pour cela, la Fed va recommencer à augmenter son portefeuille de bon du Trésor. En plus du remplacement des prêts hypothécaires qui arrivent à échéance (le RMBS acheté durant le QE), elle a surpris en annonçant qu’elle achèterait en plus 40Mds de bons du trésor par mois dans les prochains mois pour augmenter son bilan. Il s’agit probablement d’une période de rattrapage pour détendre les marchés monétaires. A partir du 2ème trimestre, elle devrait réduire un peu son rythme d’achats pour faire augmenter son bilan à un rythme plus graduel.

Mais au final, la Fed va acheter probablement plus de 500 Mds de bon du Trésor en 2026. Ce n’est pas du Quantitative Easing et ne devrait pas avoir un impact direct sur les taux américains, car la Fed n’achète que des titres de maturité très courte. Mais cela va faciliter le financement du déficit public américain qui se fera fortement via l’émission de bon du Trésor plutôt que d’obligation de maturité plus longue. Indirectement, cela limitera donc la pression haussière sur les taux longs. Pour les actifs plus risqués, la hausse de la liquidité et la baisse du risque de tensions monétaires sont aussi indirectement un élément positif.


Pays développés : La fin du cycle de détente monétaire approche

La majorité des banques centrales ne devrait plus assouplir leur taux mi-2026

La majorité des banques centrales ne devrait plus assouplir leur taux mi-2026

Après deux ans de baisses de taux directeurs dans la quasi-totalité des pays développés, la fin du cycle de détente monétaire approche. Outre la plus grande prudence de la Fed, la BCE est en pause depuis juillet et la dernière baisse de taux que l’on prévoir début 2026 semble de moins en moins probable. Cette semaine, la Banque de Suisse a maintenu ses taux inchangés à 0% et suggéré qu’elle ne les baisserait davantage qu’en cas de mauvaise surprise. La Banque d’Australie a même annoncé un virage en disant qu’elle pourrait remonter ses taux dès début 2026. Et la banque du Japon devrait augmenter ses taux la semaine prochaine. Cela dit, le cycle de baisse de taux n’est pas encore totalement fini, ce que devrait confirmer la Banque d’Angleterre la semaine prochaine en poursuivant ses baisses de taux.

Au total, il est probable que le cycle d’assouplissement s’arrête globalement mi-2026, quand davantage de banques centrales considèreront des possibles hausses de taux plutôt que baisses. Le taux directeur moyen dans les pays développés sera alors revenu à un niveau globalement neutre après près de trois ans de taux élevés. Mais si l’économie mondiale résiste comme nous le pensons, il ne passera pas en terroir accommodant, contrairement à la décennie pré-Covid.

Ces conditions seront moins favorables pour les actifs risqués que ces trois dernières années, quand les valorisations bénéficiaient du reflux des taux. Cela dit, elles ne seront pas défavorables tant que les banques centrales ne remontent pas leur taux. Dans ce contexte, nous restons positifs sur les actifs risqués en début d’année mais anticipons des performances assez contenues, et sommes prêt à réduire les risques dans nos portefeuilles en cours d’année si le virage des politiques monétaires est plus marqué qu’attendu.

Xavier Chapard

Xavier Chapard

Stratégiste

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