Link
Après le fort recul des anticipations des hausses des taux directeurs par la Fed lors de l’épisode de stress sur le secteur bancaire, le marché a, peu à peu, corrigé sa vue. En effet, la crise systémique que certains craignaient s’est dissipée. En outre, les données sur l’inflation n’ont pas montré de recul rapide, notamment sur les segments les moins volatiles.
Néanmoins, le marché continue de prévoir une, voire deux, baisses de taux directeurs d’ici la fin de l’année. Ceci n’est toujours pas notre scénario. Nous pensons toujours que pour réussir à calmer les pressions inflationnistes conjoncturelles, et faire reconverger l’inflation vers la cible de 2%, la Fed doit conserver une politique relativement restrictive pour un certain temps, après que le pic des hausses sera atteint. Nous maintenons notre hypothèse d’une dernière hausse de 25pb lors de la réunion de politique monétaire du 3 mai prochain.
Notre scénario reste dépendant de la dynamique de croissance de l’économie américaine. Sur ce point, nous continuons de penser qu’une récession modérée devrait se manifester d’ici la fin d’année.
L’effet retardé du resserrement qui a déjà eu lieu devrait se manifester avec plus de force dans les mois qui viennent, d’autant plus que les conditions de crédit dans l’économie devaient se resserrer davantage que ce qui était prévu. En effet, le stress bancaire risque de rendre les banques, notamment régionales, encore plus prudentes dans cette phase d’ajustement de l’économie.
Dans un contexte où la demande serait plus contrainte, nous nous attendons à ce que les entreprises deviennent encore plus restrictives sur leur politique d’embauche, afin de préserver, voire restaurer leurs marges. Ceci devrait se traduire par une montée du taux de chômage. Pour l’instant, nous n’avons que peu de signes forts d’une accalmie sur le marché du travail, même si, récemment, semaine après semaine, on constate que les demandes d’indemnisation chômage sont sur une tendance haussière. Mais celles-ci restent encore à des niveaux faibles, même si le nombre cumulé total est au plus haut depuis octobre 2021.
Malgré un 1T23 qui devrait montrer une croissance du PIB assez résiliente, des nombreuses statistiques montrent la poursuite d’une tendance au ralentissement de l’économie. En effet, l’indicateur avancé du Conference board, qui historiquement donne la tendance de l’économie, notamment dans des périodes de perte de vitesse marquée, a de nouveau connu un recul fort en mars. Ainsi, il atteint des niveaux seulement vus dans des périodes de récession. Néanmoins, il tend en général à amplifier l’ampleur des contractions économiques.
Cette vue négative sur la tendance de la croissance a aussi été confortée par l’enquête sur le secteur manufacturier dans la région de Philadelphie menée par la Fed. Ainsi, le Philly Fed, comme l’indice de l’enquête est appelé, est ressorti bien plus mauvais que ce qui était anticipé, montrant que l’activité, au lieu de se stabiliser, semble s’être détériorée. Néanmoins, les détails de l’enquête montrent que certains segments, permettant d’évaluer l’évolution future, tout en restant déprimés, ne se détériorent pas davantage, comme les nouvelles commandes. L’enquête semble cohérente avec la tendance qui persiste depuis des mois, d’une activité médiocre dans l’industrie, qui se reflète d’ailleurs aussi dans l’ensemble du monde.
La faiblesse, voire affaiblissement, de la croissance est d’ailleurs ce qui ressort clairement de l’enquête du Beige book, qui compile le diagnostic de l’ensemble des Fed régionales sur l’état de l’économie américaine. Toutefois, outre les différences entre secteurs, avec notamment des segments dans les services qui se portent encore bien au niveau national, il y a des différences régionales concernant les dynamiques économiques. Ceci s’est d’ailleurs reflété dans l’indicateur de la Fed de NY sur l’état du secteur manufacturier pour le mois d’avril dans la région, qui a rebondi de manière marquée. Il faut tout de même souligner que cet indicateur a été extrêmement volatile ces derniers temps.
Fig. 3 Etats-Unis: Des messages contradictoires sur la santé de l’industrie, même si la tendance qui domine semble bien être celle d’un affaiblissement
Aujourd’hui, les enquêtes préliminaires PMI de S&P devraient nous donner une image plus précise de l’état de l’économie. On surveillera particulièrement le secteur des services qui a montré un fort dynamisme ces derniers mois.
L’inflation au Royaume Uni en mars a décéléré moins que prévu. Certes, l’inflation totale a baissé à 10,1% en glissement annuel, essentiellement dû à la contribution de l’énergie, mais l’inflation cœur est restée inchangée à 6,2% .
Ceci n’est pas une bonne nouvelle pour la BoE qui voudrait voir l’inflation baisser plus rapidement. Malheureusement, on voit que des tensions persistent. C’est ce qui ressort notamment du marché du travail : même si le taux de chômage a légèrement augmenté en février, les salaires, eux, continuent de progresser à vive allure.
Outre les facteurs conjoncturels, qui ont poussé l’inflation vers le haut, il reste que les pressions inflationnistes pourraient aussi être plus structurelles qu’envisagé, notamment liées au Brexit. En effet, il semble bien que des pénuries de main d’œuvre soient manifestes dans des nombreux domaines, ce qui pourrait entretenir des pressions plus durables sur les salaires que ce qui était anticipé précédemment.
Ces dynamiques viennent sûrement compliquer le travail de la BoE. A ce stade, le marché attend au moins deux hausses supplémentaires des taux directeurs d’ici l’été.