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Pour l’instant, les discours des autorités semblent ne pas dissiper les craintes du marché sur les risques concernant le secteur bancaire. Pourtant, les gouvernements, comme les banques centrales, ont continué d’insister sur la robustesse du système bancaire, notamment des banques considérées comme systémiques. Olaf Scholz, le chancelier allemand, dans une rare intervention, est même venu en soutien de Deutsche Bank, attaquée sur les marchés, en déclarant que la banque était solide et profitable, et donc la différenciant bien de Crédit Suisse, en particulier. Aux Etats-Unis, Mme Yellen, la Secrétaire au Trésor, a affirmé de nouveau que d’autres soutiens pourraient être déployés si d’aventure les déposants américains perdaient confiance en leurs banques.
Néanmoins, le marché obligataire, n’a pas été vraiment conforté, et a reflété en grande mesure la persistance de l’anxiété ambiante. Il a une nouvelle fois, comme à plusieurs reprises depuis le début du resserrement monétaire, venu mettre en doute la direction de la politique monétaire. Pour les acteurs du marché, la politique monétaire doit changer rapidement de cap. Ceci s’est reflété sur des taux à long terme qui ont continué de baisser. Les taux des obligations d’Etat à 10 américains ont ainsi retrouvé le niveau le plus bas de l’année.
Fig. 1 Etats-Unis : Encore une fois, le marché voit les taux directeurs baisser rapidement…et entraîne les taux longs vers le bas
Cette fois-ci, on peut comprendre l’anxiété de marché, mais il nous semble que les craintes ressemblent plus à de la panique qu’à des critères objectifs.
Parmi les facteurs de craintes sur les risques de voir des pressions persister sur les dépôts des banques régionales américaines, on a vu l’attention se porter sur les fonds monétaires (« Money Market Funds ») qui ont reçu au cours de la dernière période de flux importants. Il est difficile, à notre avis, de voir un lien de cause à effet direct entre la perte de dépôts de certaines banques et les flux sur ces fonds. Il nous semble qu’on peut aussi expliquer en grande partie ces flux par la recherche d’une rémunération élevée devant une très forte volatilité des marchés. En effet, avec des taux à court terme à des niveaux jamais vu depuis plus de 20 ans, on peut comprendre que des mouvements d’allocation importants s’opèrent sur ces fonds qui investissent sur des actifs très liquides de haute qualité, notamment des obligations d’Etat, à des maturités courtes.
Fig. 2 Etats-Unis : Devant les incertitudes et compte tenu du haut niveau des taux courts, les « money market funds » prospèrent
Par ailleurs, il est intéressant de noter que pendant le weekend, les dépôts et actifs de la Sillon Valley Bank (SVB) qui a été la première banque à faire faillite, ont été acquis par la Banque First Citizen Bank& Trust. Ainsi, l’opération de résolution semble avoir été conduite avec célérité et laisse penser que le système bancaire est plus résilient que les craintes actuelles. Toutefois, nous insistons sur le fait que nous devrions voir d’autres petites institutions financières souffrir dans l’ajustement qui est en train de s’opérer dans l’économie américaine afin de réduire les pressions inflationnistes. Mais, ces difficultés devraient être considérées moins à caractère systémique que cycliques.
Ce qui est certain, c’est que les investisseurs restent inquiets et ont pris la direction des actifs refuges, comme on l’a vu avec la baisse des taux d’intérêt, mais aussi avec « l’actif de crise » qu’est l’or. En effet, le prix de l’or a repris sa course ascendante, s’approchant des points hauts des dernières années, notamment atteints au moment du début de la crise pandémique et du début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Fig. 3 Or : Les craintes systémiques, les possibles baisses des taux directeurs et des achats de certaines banques centrales (Russie, Chine ?) soutiennent l’or
Alors que les marchés restent inquiets, la réalité économique continue de surprendre par sa résilience. En effet, l’enquête préliminaire des PMI de S&P pour le mois de mars a souligné de nouveau la persistance de la tendance que nous constatons depuis le début d’année avec l’activité des services qui continue de se redresser, alors que l’activité dans le secteur manufacturier reste faible, devant une conjoncture mondiale moins porteuse.
Aux Etats-Unis, l’activité dans les services aurait rebondi fortement en mars. L’indice n’est pas seulement en territoire d’expansion, mais a atteint un plus haut de 11 mois. En partie, cette accélération peut être attribuée à la nouvelle baisse des prix de l’énergie. Celle-ci est associée à des anticipations de demande sur les produits énergétique plus faibles qu’attendues devant une croissance économique globale qui se projette plutôt faible, d’autant plus depuis l’apparition des tensions sur le secteur bancaire. Ce soutien au pouvoir d’achat, alors que le marché du travail reste robuste, peut donc être un facteur explicatif. Par ailleurs, on constate qu’il y a toujours un effet « d’ouverture » suite à la fin de l’épisode pandémique, avec des secteurs très touchés, comme le tourisme ou la restauration, qui se reprennent.
En revanche, l’activité manufacturière, plus intégrée au cycle mondial, semble toujours à la peine, même si l’enquête montre qu’il a une tendance à l’amélioration.
Il est aussi important de souligner que l’enquête révèle, notamment dans les services, que les pressions inflationnistes persistent avec les sous-indices concernant les prix qui se remettent à progresser
Fig. 4 Etats-Unis : L’activité dans les services reste porteuse avec un indice PMI au plus haut de 11 mois, alors que le secteur manufacturier peine
En Zone-Euro, le message est assez similaire, avec une croissance de l’activité qui s’accélère dans les services. En effet, l’indice PMI dans les services atteint son niveau le plus élevé depuis 10 mois. Dans le secteur manufacturier, la situation reste moins porteuse avec un recul de l’activité au cours du mois.
En même temps, l’enquête semble confirmer que les goulets d’étranglement se dissipent fortement, notamment dans l’industrie, et que la baisse des coûts énergétiques est aussi un facteur de soulagement.
En revanche, avec une demande des consommateurs qui tient, on constate une nouvelle accélération du côté des prix demandés par les entreprises. Il faudra voir si ces tensions se reflètent de nouveau dans les chiffres d’inflation que nous aurons pour le mois de mars.
Fig. 5 Zone Euro : Rien n’arrête les services, alors que le secteur manufacturier reste contraint par le cycle mondial
Evidemment, il faudra être attentifs sur l’impact des craintes sur le marché bancaire qui se manifestent aujourd’hui et qui pourraient se refléter sur une moindre distribution de crédit, conduisant à ralentir les économies davantage que ce que nous anticipons aujourd’hui.