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Les taux à long terme ont poursuivi leur montée. Le taux souverain à 10 ans américain a monté de près de 70 points de base depuis un mois et son homologue allemand de près de 40 ! La hausse s’explique en grande partie par la montée des taux réels, qui, aux Etats-Unis, ont atteint un plus haut depuis 2007. Ceci peut être attribué à la résilience de l’économie américaine et aussi à la persistance des déficits publics élevés. Ceci se traduisant par l’anticipation de taux directeurs de la part des banques centrales relativement élevés plus longtemps que prévu.
En fait, la conjoncture très particulière que nous vivons alimente les incertitudes sur l’avenir et on devrait s’attendre à ce que le monde obligataire intègre ceci dans les prix. C’est ce qui semble être en train d’être fait. En effet, en théorie, le niveau des taux d’intérêt devrait correspondre aux anticipations d’inflation et au taux réel, lui-même déterminé en grande partie sur les perspectives de croissance économique, et, enfin, un élément d’incertitude qui viendrait compenser les investisseurs sur les risques que ces anticipations s’avèrent fausses, une prime de terme.
Il existe des nombreuses estimations de cette prime qui n’est évidemment pas directement observable. La Fed en produit certaines. Il se trouve que celle-ci était largement négative jusqu’ici. Ainsi, les investisseurs semblaient vouloir détenir des obligations du trésor américain sans être compensés par les risques sur l’avenir.
On voit que le dernier mouvement de hausse des taux d’intérêt s’est traduit par une poussée de cette prime de terme qui est revenu légèrement en territoire positif, traduisant bien ce sentiment d’incertitude qui gagne le marché.
On voit du point de vue historique (c. Fig 1) que si jamais on allait vers une « normalisation » de cette prime on pourrait voir les taux encore connaître une forte poussée. Néanmoins, à ce stade nous ne pensons pas qu’un mouvement très important aura lieu, tant que la Fed maintien les anticipations d’inflation bien ancrées. Certes, reste le risque budgétaire, mais à ce stade nous ne pensons pas que nous allons assister à une détérioration encore plus marquée du déséquilibre budgétaire. Mais ceci est clairement un point de vigilance.
Fig.1 Etats-Unis : La hausse des taux d’intérêt à long-terme traduit une hausse des taux réels et des primes de terme.
Evidemment, sans surprise, ce mouvement de hausse sur les taux a commencé à entamer l’appétit pour le risque. Ainsi, le VIX, l’indice dit de la peur, a entamé une forte remontée. Il s’est approché de 20. C’est un niveau élevé comparé aux niveaux connus depuis le printemps, mais reste un niveau relativement modéré par rapport à l’évolution historique. Néanmoins, il traduit bien l’anxiété qui commence à prendre de l’ampleur sur le marché.
La baisse de tous les actifs vient évidemment détériorer les conditions financières dans lesquelles opère l’économie américaine, ce qui est tout aussi vrai en Europe. Si ceci persiste, ça aura un impact négatif sur la croissance et viendra exacerber les pressions baissières que les politiques monétaires restrictives exercent déjà sur l’économie.
Il nous semble néanmoins que vu les perspectives économiques que nous envisageons, les taux d’intérêt atteints sont attrayants. Nous y sommes exposés, notamment au regard du niveau élevé des taux réels. Une des incertitudes reste la capacité des économies à résister à cette détérioration des conditions financières. En particulier, aux Etats-Unis, comme beaucoup, on ne peut qu’être surpris sur la robustesse montrée par l’activité au cours des derniers trimestres. Nous continuons de penser qu’en partie « l’exception américaine » tient, à une politique budgétaire qui s’est avérée bien pus stimulante que ce qui était anticipée, et qui a en particulier bénéficié aux consommateurs à travers une taxation bien moindre par rapport à l’année précédente.
Cette résilience a été encore mise en avant par la poursuite du rebond du secteur manufacturier américain. En effet, l’enquête ISM a révélé pour le mois de septembre que l’activité avait continué à s’améliorer. L’indice synthétique s’est approché de 50, le niveau séparant expansion et contraction de l’activité, en atteignant 49. En partie, ceci s’explique par la forte poussée de la production pétrolière, mais aussi par les effets stimulants produits par les plans mis en place par l’administration Biden pour soutenir le secteur des semiconducteurs (CHIPS) et les activités liées à la transition énergétique, notamment le transport (IRA).
Le « nettoyage » des stocks excédentaires dans l’industrie a aussi aidé dans cette meilleure performance. D’ailleurs, ceci s’est aussi vu en Europe, où l’indice pour la Zone-Euro s’est stabilisé, même s’il reste à des niveaux bas, en territoire de contraction de l’activité.
Au total, en grade partie grâce aux Etats-Unis, au niveau mondial, l’activité semble bien s’être stabilisée en septembre dans l’industrie comme le montre l’indice global calculé par la banque JP Morgan.
Fig.3 Activité Manufacturière : Au niveau mondial, l’activité du secteur manufacturier semble se stabiliser, mais avec des disparités.
Cette amélioration dans l’industrie s’est aussi accompagnée par un rebond des offres d’embauches dans l’économie américaine. En effet, l’indicateur produit par le ministère du travail américain a montré que les offres de postes étaient repassées en août de nouveau largement au-dessus des 9 millions.
En même temps, compte tenu du nombre important de nouveaux entrants sur le marché du travail en août, le ratio entre offres et demandeurs d’emploi a continué à baisser, même si légèrement. Ceci pourrait participer à continuer d’atténuer les pressions salariales dans les secteurs les plus en tensions. Néanmoins, il faudra rester vigilants sur les évolutions des salaires dans les trimestres à venir. Les grèves dans l’automobile, avec des revendications de fortes hausses de salaires en sont la preuve.
Fig.4 Etats-Unis : Le marché du travail reste robuste. Les offres d’emplois rebondissent. Mais, les nouveaux arrivants sur le marché évitent plus de tensions