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Les marchés actions semblent défier les banques centrales. En effet, malgré le message des banquiers centraux du besoin de poursuivre le resserrement monétaire ou du moins de maintenir une politique restrictive, les bourses ont continué d’aller de l’avant. Aux Etats-Unis, le S&P500, l’indice phare, tiré toujours par les valeurs technologiques a semblé que peu affecté par l’annonce de la Fed que le plus probable était que les taux directeurs puissent continuer à monter, malgré la pause ce mois-ci.
Fig. 1 Etats-Unis : Le S&P 500 continue sa remonté après son point bas de l’automne dernier, tiré par le poids important de la technologie
La semaine dernière, J. Powell a simplement dit que la pause n’était qu’une nouvelle étape dans le ralentissement de la poursuite du resserrement monétaire et non pas l’arrêt de celui-ci. Ainsi, il a indiqué, que malgré quelques bonnes nouvelles sur le plan de l’inflation récemment, la lecture des dynamiques dans l’économie américaine montrait que les pressions inflationnistes n’avaient pas disparu et qu’il fallait sûrement contraindre un peu plus la demande.
Contraindre davantage la demande ne veut pas dire que l’économie doive entrer dans une phase récessive forte. J. Powell pense qu’une récession, même modérée peut être évitée. Nous pensons, qu’une légère contraction de la demande sera sûrement nécessaire. Elle proviendra notamment d’une détérioration du marché de l’emploi afin de freiner les pressions salariales.
Néanmoins, à l’opposé, le marché semble plutôt parier maintenant sur une amélioration de la situation des entreprises dans les trimestres à venir. Ainsi, les perspectives de résultats ont commencé à être revues à la hausse pour un certain nombre d’activités, dont évidemment dans la technologie et notamment les activités liées à l’intelligence artificielle. Au total, alors que la banque centrale à l’intention de garder, voire d’accentuer sa politique restrictive, on se retrouve dans une situation peu commune où, non seulement les anticipations des résultats s’améliorent, mais aussi les multiples montent, c’est-à-dire le nombre de fois où les investisseurs veulent payer les profits futurs.
Ainsi, même si l’inflation perturbe les valorisations, la hausse des taux d’intérêt semble ne pas avoir entamé l’optimisme des investisseurs.
Fig. 2 Etats-Unis : La valorisation du marché américain, mesurée par le ratio prix/bénéfices, est repartie à la hausse, alors même que les taux d’intérêt remontent.
Le cycle économique que nous connaissons est très particulier, avec des chocs inédits et des transformations des dynamiques mondiales qui pourraient transformer la façon dont les ajustements économiques peuvent s’effectuer. En ce sens, considérer la possibilité que certains segments de l’économie puissent mieux résister que ce qui pourrait normalement être attendu ne peut être complétement écarté. Ceci explique en partie notre positionnement de garder simplement une faible sous pondération sur les actions, non seulement aux Etats-Unis mais aussi en Europe, plutôt que d’être très sous exposés.
Néanmoins, il nous semble que la complaisance domine, notamment outre-Atlantique. Plusieurs indicateurs techniques en attestent, tout comme l’indice de volatilité implicite sur les options sur les &P 500, le VIX, souvent appelé l’indice de la « peur », qui ne cesse de s’approcher de ses niveaux les plus bas.
Fig. 3 Etats-Unis : Le VIX, indice de la « peur » continue de s’approcher de ses niveaux les plus bas
Non seulement la croissance devrait être contrainte par le caractère restrictif des politiques monétaires, mais la liquidité pourrait aussi devenir un facteur supplémentaire d’adversité pour les marchés dans les mois à venir avec la poursuite du déclin des bilans des grandes banques centrales.
Aux Etats-Unis, vu le rôle majeur que joue le consommateur dans la grande résilience de la croissance, il est important de suivre au plus près ses comportements. L’enquête préliminaire sur la confiance de l’U. du Michigan pour le mois de juin nous a montré que celle-ci s’est légèrement améliorée, tout en restant à un niveau relativement faible.
Ce redressement de la confiance est venu non seulement des conditions actuelles, mais aussi des anticipations. En grande partie, on peut attribuer ceci à l’amélioration du pouvoir d’achat sur le mois, avec la baisse des prix de l’énergie, mais aussi à la persistance d’un marché du travail porteur, sans oublier les gains en capital obtenus par la remontée des bourses.
La baisse des prix de l’énergie a permis aussi de faire redescendre les anticipations d’inflation à un an, qui sont passées à 3,3%, contre 4,2% au mois précédent. Mais, évidemment ce chiffre est très volatile, et reste bien au-dessus de la moyenne de 10 dernières années. Les anticipations à plus long-terme, restent au point haut des 10 dernières années à 3%.
Fig. 4 Etats-Unis : La confiance des consommateurs reste basse, mais se redresse, en partie aidée par la baisse des prix de l’énergie
Evidemment, une détérioration du marché du travail viendrait affecter très négativement le sentiment des consommateurs. Vu les rapports emplois de ces derniers mois, il semble que la résilience de l’emploi reste très forte. Les entreprises, malgré une décélération de la demande, continuent d’embaucher.
Toutefois, il est possible, et ceci ne serait pas anormal, que des signes de fragilité commencent à apparaître. En effet, on voit que sur les deux dernières semaines les demandes d’allocation chômage ont clairement repris leur tendance haussière. Mais il faudra attendre plus de temps pour confirmer cette tendance.
Quoi qu’il en soit, cette statique est sûrement le meilleur indicateur avancé sur l’évolution du cycle économique à très court terme. La poursuite de la remontée des demandes d’allocations, traduisant donc la hausse des licenciements sera bien le signe que les entreprises commencent bien à s’ajuster à une demande plus faible et à protéger leurs marges. Ce sera un signe de « normalité » dans ce cycle économique si perturbé et jusqu’ici difficile à compétement appréhender.
Fig. 5 Etats-Unis : Les demandes d’allocation chômage reprennent leur chemin vers la hausse. Est-ce un signe de dégradation du marché du travail ?