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Ce qu’il faut retenir
►Alors que l’ouragan Helene a touché terriblement la Caroline du Nord, devenant le plus meurtrier (plus de 230 victimes) depuis Katerina en 2005, un nouvel ouragan (Milton), encore plus puissant, devrait atteindre les côtes de la Floride ce mercredi. Des évacuations massives ont eu lieu. Difficile de dire quel sera le coût économique de celui-ci, bien qu’il risque probablement de fortement alourdir l’ardoise des assureurs après le coût très important estimé d’Helene. Aussi, les grands groupes pétroliers ont fermé certains puits du Golfe du Mexique, mais la perte de production est estimée comme faible. A ce stade l’impact sur les prix du pétrole est limité.
►Ce sont toujours les tensions au Moyen-Orient qui affectent les cours du pétrole, qui ont encore fortement progressé en début de semaine. La menace de représailles de frappes israéliennes sur les installations de production pétrolière de l’Iran est toujours un risque. Néanmoins, l’appel des Américains visant à dissuader Israël de toucher les installations nucléaires ou pétrolières a contribué à détendre quelque peu la hausse des prix. En parallèle, le voyage aux Etats-Unis du ministre de la Défense israélien a été repoussé, un signe peut-être de nouveaux désaccords entre Américains et Israéliens. Tant que le risque de frappes sur les installations pétrolières n’est pas évacué ainsi que celui d’un embrasement dans la région une prime sur le prix du pétrole risque de perdurer.
►La hausse du prix du pétrole n’est pas une bonne nouvelle pour les consommateurs et donc pour la croissance économique. Néanmoins, pour l’instant cette hausse a été limitée. Toutefois, il s’agit sûrement d’une plus mauvaise nouvelle pour l’Europe, où les données économiques ont plus déçu qu’outre Atlantique récemment. Alors que jusqu’au printemps la dynamique de reprise semblait bien installée en zone euro, comme on le sait, l’été a vu une nette dégradation de la conjoncture, à la différence des Etats-Unis. La conjoncture plus favorable aux Etats-Unis reste un soutien aux actions américaines, malgré des valorisations exigeantes.
►Enfin en Chine, les déclarations du président de la puissante Commission nationale pour le développement et les réformes (NDRC) sont venues refroidir les investisseurs. Alors que l’incroyable rebond des actions chinoises au cours de la semaine passée s’était nourri fortement de l’attente de l’annonce d’un plan de soutien budgétaire conséquent, le dirigeant a annoncé une augmentation des dépenses publiques de 200 milliards de yuan (28 milliards de dollars) supplémentaires en 2024, qui seraient prises sur les engagements de 2025. Evidemment, la bourse de Hong Kong a réagi avec une baisse de près de 10%. Est-ce simplement une erreur de communication ? Il est certain que les autorités doivent clarifier au plus vite quel est leur plan de soutien à l’économie. Le mouvement de baisse d’hier montre que toute forte déception des investisseurs pourrait effacer rapidement la progression de la bourse chinoise, et avoir un impact néfaste sur la confiance à moyen terme.
Pour aller plus loin
Après avoir été touché par l’ouragan Helene il y a moins d’un mois, notamment en Caroline du Nord, les Etats-Unis vont être frappés par Milton, en Floride, par un ouragan encore plus puissant, de catégorie 5, soit le niveau maximum. On attend des dégâts très importants, notamment liés aux vents puissants, plus de 200 km/h et surtout aux inondations considérables dans les zones les plus touchées. La zone de Tampa devrait être la plus affectée.
L'ouragan Helene a été très meurtrier avec plus de 232 victimes répertoriées à ce jour et des dégâts matériels très importants. Les assureurs pourraient faire face à une ardoise de 14 milliards de dollars selon certaines estimations. Néanmoins, il faut aussi intégrer les dégâts non-assurés, dont le montant devrait être encore plus élevé.
Vu la puissance actuelle de Milton, les dégâts matériels pourraient être aussi considérables. Néanmoins, la mobilisation pour évacuer les personnes en avance a été très importante. Mais évidemment il est difficile de prévoir si des pertes humaines pourront être complètement évitées.
Les conséquences économiques d’Helene, en termes de perte d’activité, n’ont pas été très importantes y compris au niveau de l’emploi, comme l’a indiqué le Ministère du travail dans son rapport d'emploi de septembre (même si l’enquête d’octobre pourrait révéler des impacts). Néanmoins, les opérations de reconstruction devraient amener plus d’activité dans les régions les plus touchées.
Concernant Milton, à ce stade il est difficile d’estimer l’impact sur la conjoncture économique, mais il devrait a priori être limité. Néanmoins, on sait que les grands groupes pétroliers qui opèrent des plateformes sur le Golfe du Mexique ont fermé certains puits proches du chemin que devrait suivre l’ouragan. Mais, leur nombre est assez réduit.
Ces ouragans se sont aussi invités dans la campagne électorale, avec le camp de D. Trump portant des accusations, souvent inexactes, sur la gestion de la crise dans les régions touchées.
Le fait qu’on estime que peu d’installations pétrolières devraient finalement être touchées par l’ouragan a enlevé un facteur de pression supplémentaire sur le prix du pétrole.
Néanmoins, la situation au Moyen-Orient continue de soutenir les prix du baril. Hier, on a tout de même constaté une accalmie avec l’annonce de la visite imminente du ministre de la Défense israélien aux Etats-Unis. Ceci était vu comme une possibilité pour les Américains de peser sur Israël afin d'éviter des frappes en représailles sur installations nucléaires ou pétrolières.
Toutefois, tard dans la journée, on a appris que la visite avait été annulée ou repoussée. B. Netanyahu, le Premier ministre israélien, s’étant apparemment opposé à ce voyage. Ceci pourrait entretenir encore une pression haussière sur le prix du brut.
L’accalmie d’hier pourrait être de courte durée. Malgré la hausse récente du prix du pétrole, celui-ci reste dans la fourchette basse des dernières années. Mais, cette augmentation n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour l’évolution du coût de la vie et sur l’éventuel impact sur la consommation et donc sur la croissance à court terme.
Une hausse soutenue du prix du pétrole affectera au premier chef les économies les plus dépendantes des importations d’énergie et déjà dans des phases conjoncturelles fragiles. Ainsi, cette hausse du prix de l’énergie n’est pas bienvenue et ampute le soutien que la baisse du prix de l’énergie avait donné depuis cet été aux économies européennes, qui souffrent d’une conjoncture plus dégradée.
En effet, comme on le sait, les données économiques en zone euro se sont peu à peu dégradées à partir du printemps. Ceci contraste avec la situation aux Etats-Unis, où au contraire, nous avons connu une embellie. Ainsi alors que les données économiques en zone euro excédaient les attentes en début d’année, on est passé à la situation opposée depuis plus d’un trimestre. C’est exactement le contraire qui s’est passé aux Etats-Unis.
C’est dans cette situation, avec une inflation qui décélère en zone euro, que les baisses de taux directeurs plus rapides de la BCE que ce qui était anticipé devraient être importantes pour soutenir la croissance. Aussi, le fait que l’économie américaine résiste mieux devrait aussi offrir un soutien extérieur bienvenu à la zone euro.
En même temps, l’optimisme d’une relance plus vive des autorités chinoises, qui offrirait un autre soutien supplémentaire aux exportateurs européens, semble aujourd’hui un peu plus incertain. D’autant plus que certains exportateurs craignent des représailles des autorités chinoises sur les exportations de la zone euro vers ce pays, à la suite de la forte hausse des tarifs douaniers imposées sur certaines catégories de produits chinois, notamment les véhicules électriques dont certains auront à payer 45% de droits de douane. D’ores et déjà, ces craintes ont vu le jour, avec la mise en place de contraintes financières pour les importateurs chinois de spiritueux européens.
La meilleure dynamique économique qu’attendue des Etats-Unis, même si elle s’est traduite par une révision des anticipations de baisses des taux directeurs de la Fed (aujourd’hui alignées aux nôtres), apporte un soutien aux actions américaines et ce malgré des valorisations toujours très exigeantes.
On le sait la croissance américaine est toujours soutenue par la consommation et certains segments de l’investissement, touchant notamment la technologie. Néanmoins, on voit que certains pans de l’économie sont plus prudents. C’est le cas des petits commerces. Ainsi, l’enquête auprès des petits commerçants (NFIB) pour le mois de septembre montre que le niveau d’optimisme reste bas, même s’il a très légèrement rebondi sur le mois et reste plus élevé qu’en début d’année.
L’inflation reste toujours une des plus grandes inquiétudes pour les petits commerçants, même si elle semble en fort déclin par rapport au haut niveau atteint en 2022. Néanmoins, même si le marché du travail reste solide et que les difficultés d’embauche persistent, on constate que les hausses de salaires se modèrent. Ceci semble en ligne avec une tendance à la « normalisation » du marché de l’emploi outre-Atlantique.
L’enquête accentue encore le message qu’on constatait depuis plusieurs mois sur l’incertitude politique aux Etats-Unis et les tensions qui se manifestent dans la campagne électorale. Ainsi, le niveau d’incertitude sur l’avenir est encore monté d’un cran, atteignant le plus haut niveau historique. Il est à espérer que l’élection pourra apporter le calme nécessaire pour réduire les inquiétudes des acteurs économiques.
Sebastian PARIS HORVITZ
Stratégiste