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Alors que les évènements climatiques extrêmes se multiplient un peu partout dans le monde, que 2024 a battu de nouveaux records de chaleur, que l’avenir climatique est toujours de plus en plus incertain, la gestion des risques climatiques n’a jamais été aussi importante pour les acteurs économiques.
Les risques climatiques désignent les effets négatifs potentiels du changement climatique sur la valeur d’une organisation. Il peut s’agir de risques physiques, relatifs aux conséquences négatives de la modification du climat pour la valeur des actifs, ou de risques de transition, associés aux mesures politiques et aux changement comportementaux ayant pour objectif de décarboner les actifs et activités afin de lutter contre le changement climatique.
« Sécheresse, inondations, tempêtes, etc. Le coût des dommages liés principalement au climat pourrait augmenter de l’ordre de 50 % en France à horizon 2050 si le réchauffement est plafonné à 2° et atteindre 87 % à 2,5°» (CCR, 2023) .
Nous fêtons cette année les dix ans de la prise de conscience des enjeux financiers de ces risques au sein du secteur financier. Dès 2015, le Financial Stability Board (FSB), sous l’égide de Marc Carney, se positionnait en précurseur en reconnaissant que « le changement climatique présente un risque financier pour l'économie mondiale »1. Il créa une Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) afin d’investiguer les canaux de matérialisation de ce risque et établir des modalités de reporting des informations financières relatives au climat. Que s’est-il passé depuis ?
De nombreux régulateurs financiers se sont emparés du sujet, grâce au rôle moteur de la France et du réseau Network For Greening the Financial System2. Les banquiers centraux du NGFS (ex. Banque Centrale Européenne, Banque de France, mais aussi des banques centrales d’économies émergentes…), considérant le risque climatique comme un risque systémique – c’est-à-dire non diversifiable – pouvant influencer la stabilité du système financier mondial, ont lancé des programmes visant à développer l’évaluation et la prise en compte des risques climatiques, par exemple par le biais de stress tests climatiques, sur la base de différents scénarios climatiques et leur répercussion économique3. Les pouvoirs publics et régulateurs ont également cherché à sensibiliser les acteurs financiers et renforcer leur transparence sur leur gestion de cette typologie de risques, en leur demandant de publier des informations annuellement relatives à leur processus de gestion des risques climatiques. Ce fut le cas pour les investisseurs dès 2015 en France avec la loi Transition Energétique pour la Croissance Verte, renforcée par le règlement européen « Disclosure» et la loi Energie Climat en 2019.
« Pour certains superviseurs, le développement et l’application de l’analyse de scénarios climatiques sont devenus essentiels, permettant une approche plus éclairée et prospective de la gestion des risques liés au climat. »NGFS 2024 4.
Le déploiement de ces cadres d’analyse et transparence, mais aussi l’accélération de la manifestation de ces risques sur l’économie réelle, ont fait progresser la prise de conscience des acteurs économiques. Début janvier, le World Economic Forum publiait la 20e édition de son Global Risks Report5 présentant une synthèse de la perception des risques mondiaux. Que ce soit à court ou plus long terme, ce rapport montre que les risques climatiques, notamment les événements climatiques extrêmes, sont perçus comme les plus sévères des menaces économiques. Point de vue partagé par France Assureurs qui, dans sa cartographie des risques 2025, place le dérèglement climatique « sur la première marche du podium des risques »6 à égalité avec les cyberattaques.
Les méthodologies d’évaluation des effets du changement climatique et de la transition énergétique, ont également progressé dans leur capacité à apprécier les principales expositions des portefeuilles aux risques physiques et aux risques de transition.
Convaincu que l’identification et le pilotage de ces risques est indispensable à la résilience de ses investissements, le groupe LBP AM a mis en place un dispositif d’évaluation de notre exposition aux risques climatiques depuis plusieurs années.
Nous nous appuyons pour ce faire sur la méthodologie de « climate value at risk » développée par MSCI. L’analyse du risque de transition porte sur différents facteurs tels que la détention d’actifs carbonés, le recours aux énergies renouvelables dans les opérations, la contribution à la transition énergétique, ou les émissions de GES, pour modéliser leurs impacts sur la valeur des entreprises investies. En ce qui concerne les risques physiques, notre estimation se base sur une évaluation de la vulnérabilité en fonction d’aléas climatiques aigus ou chroniques. Les aléas aigus sont des événements climatiques rares et intense comme les submersions marine, les inondations fluviales, les cyclones ou les feux de forêts. Les aléas chroniques correspondent quant à eux aux événements climatiques récurrents (chaleur, froid, de vents, de précipitations ou de chutes de neiges).
Risque d’impact climatique sur la valorisation des portefeuilles du groupe LBP AM : -7,2 %7
L’objectif de cette analyse est d’irriguer la gestion des risques : éviter les investissements présentant des risques climatiques critiques, chercher à diversifier ces risques au sein des portefeuilles, encourager les sociétés à de doter de dispositifs robustes de gestion de ces risques : à un niveau micro, il est possible d’agir ! C’est pourquoi l’ensemble de ces analyses sont intégrées au dispositif de pilotage des risques du groupe LBP AM et se traduisent par exemple par des actions d’engagement avec les émetteurs les plus exposés. Cette approche dynamique et proactive nous a permis connaitre et maitriser notre exposition au risque climatique. Les méthodologies et résultats de ces analyses sont présentées dans notre rapport d’investissement responsable.
Toutefois, au-delà de ces mesures de gestion des risques traditionnelles au sein d’un portefeuille, le risque climatique mondial continue de croitre pour véritablement menacer de prendre une dimension systémique, non diversifiable, dans les prochaines années. L’un des canaux de transmission de ce risque pourrait être l’assurance. S’inquiétant d’une insuffisante atténuation du réchauffement climatique, des assureurs expriment la crainte de ne plus pouvoir continuer à offrir une protection contre les risques climatiques, devenue trop couteuse. C’est déjà le cas sur des zones très exposées aux risques, devenues inassurables par le secteur privé lorsqu’il opère seul (par exemple en Californie)8, ou qui suscitent un déséquilibre du régime d’indemnisation mutualisé des catastrophes naturelles, dont l’Etat est le garant de dernier ressort9. Ce risque systémique, alertent-ils, menace les bases du système financier : sans assurance, pas de crédit10. Ainsi, bien que les mesures de gestion des risques climatiques se développent au sein du secteur financier, et notamment chez les sociétés de gestion telles que LBP AM, il est désormais urgent d’apporter des réponses systémiques à des risques systémiques : de prévention d’abord, afin d’engager plus massivement une transition pour décarboner l’économie réelle et atteindre les objectifs de plafonnement du réchauffement climatique définis par l’accord de Paris, ensuite de résilience des territoires et entreprises aux effets physiques du changement climatique, en évitant les mesures de mal-adaptation.
[1] www.fsb-tcfd.org
[2] Synthesis Report on the greening of the financial system - Insights for Financial Actors in Advanced and Emerging Economies” | Network for Greening the Financial System
[3] Les principaux résultats de l’exercice climatique sur le secteur de l’assurance
[4] Citation originale : « For some supervisors, the development and application of climate scenario analysis have become essential, allowing for a more informed and forwardlooking approach to managing climate-related risks. »,NGFS 2024
[5] Global Risks Report | WEF
[6] Cartographie prospective 2025 des risques de la profession de l’assurance et de la réassurance | France Assureurs
[7] Source : LBP AM,2025
[8] Why are State Farm and others leaving California's home insurance market? Answers for beleaguered homeowners | Los Angeles Times
[9] Un rapport pour mieux assurer les Français face au changement climatique | Ministère de l’Économie des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique
[10] Climate, Risk, Insurance: The Future of Capitalism | LinkedIn